La bise à marquise - le petit théatre du forum(par Galatée et Balsame, théatreux du dimanche)*
Balsame :Mais il faut dire belle marquise, que vos beaux yeux me font mourir d'amour !
Galatée :Monsieur ! Que dites-vous là ! Ciel ! Si mon mari entendait …
Balsame :Madame point de pruderie je vous prie.
Votre mari est sourd et le ciel aussi.
Galatée :Ce n'est point tant de la pruderie que de la prudence.
Balsame :Alors je me cache ma chère, et fait mille prières
que personne ne découvre le fin mot de l'affaire.
Galatée :…
Balsame :Etes-vous partie ma mie ?
Ou bien sous un mouchoir vous qui vécûtes ce jour au milieu des bavoirs,
cachez-vous ah mais ! ce qu'il ne faut pas voir ?
Galatée :N'ayez crainte je ne me cache point.
Il n'existe au monde aucun être plus rusé que la femme.
Balsame :Etes-vous donc femme, milady aux yeux si jolis ?
Galatée :Je ne sais de quels yeux vous parlez.
La réputation qui vous précède vous prête maintes aventures....
Balsame :Laissons ce qui précède amener ce qui suit.
Galatée :Et je ne saurais livrer mon cœur si je n'étais sûre que le vôtre me fût acquis à jamais.
Balsame : Jamais ! Déjà ce mot cruel qui fit battre en duel tant de cœurs.
Galatée :Mais que dis-je ! Je suis mariée vous le savez.
J'ai deux enfants et le monde ne me pardonnerait une telle trahison.
Ah ! Monsieur... Souvenez-vous d'Anna Karénine, de son tragique destin.
Balsame :Que vient donc faire le monde dans cette jolie ronde et puis la trahison !
Je tombe en pamoison ... Brisons là, marquise .
Vous avez tout d'un ange mais la main me démange !
Voulez-vous une bise oui ou non ?
Galatée :Monsieur ! Vous m'offensez !
Ma pudeur, mon honneur m'interdisent de vous écouter !
Prenez soin de mon cœur avant que de vous soucier de mon corps.
Balsame : Alors c'est non ? Ô dieux je meurs … marquise a un cœur !
Galatée :M'aimez-vous ?
Balsame :Madame n'en doutez point !
Galatée :Comment le pourrais-je quand vous ne semblez souhaiter que de me trousser.
Balsame :On ne trousse que les oies chez moi, Madame, au jour de réveillon.
Galatée :Vous m'offensez ! Une telle comparaison !
Balsame :Quoi ? Vous vous reconnaissez ?
Galatée :Adieu Monsieur ... Adieu ! Car moi, je vous aimais.
Balsame :Adieu ? A dieu ne plaise qu'il en soit ainsi !
Vous m'aimiez ? J'en suis fort aise et c'est déjà fini ?
J'en suis marri mais ainsi va la vie d'aventure en aventure.
Galatée :Vous ne m'aimiez donc pas ! Ainsi, je ne m'étais point trompée !
Balsame :Je vous aimais, la belle, comme on aime le soleil !
Galatée :Je suis le soleil !
Balsame :Croyez-vous ?
Galatée :Je le crois comme vous le croirez
lorsque vous me verrez disparaître à la tombée du jour
pour mieux renaître le lendemain à l'aurore.
Balsame :Que me contez-vous là ? L'histoire d'une chandelle qu'on souffle pour la nuit ?
Galatée :Qui sait ? Les mots ne sont que des mots que l'on interprète chacun à sa manière.
Balsame :Madame, vous m'avez retardé dans mes pensées.
Je vous laisse à vos maux si c'est là la manière dont vous me recevez.
Le jour tombe, disparaissez.
Galatée :Sont-ce là vos derniers mots ?
Balsame :Les mots de la nuit, Madame, n'ont pas d'âme.
Ils meurent avant l'aurore. Définitivement.
Galatée :Ne puis-je encore espérer avant demain que peut-être ....
Balsame : Dites moi …
Galatée :Votre cœur s'alourdira de mon chagrin et prendra mon amour pour vous ....
Balsame :Mais vous ne m'aimez point !
Galatée :Comment pouvez-vous dire cela ?
Balsame :Vous invoquiez tantôt mari et marmots, le monde qui vous regarde,
et vous vous étonnez que je ne baisse ma garde ?
Allons donc, si vous m'aimiez dans mes bras déjà vous seriez !
Galatée :Attendez-moi demain matin à 9h ... Près de l'érable d'Italie du jardin de la ville.
Balsame :Et quoi, la donzelle, vous voilà à genoux ?
Alléluia alléluia ! 9h vous dites ? Qu'est-ce donc que cela ?
Galatée :La donzelle ? Une fois de plus vous m'offensez.
Pire ! Vous me manquez de respect !
Cette fois, ç'en est fait Je ne veux plus jamais vous revoir. Adieu !
Balsame :C'était donc diablerie ! Adieu Madame,
tant il est vrai que marivaudage ne sied point aux femmes sages.
Galatée :Effectivement. Je ne suis point faite pour cela.
Je suis une femme de cœur, et non de petite vertu !
Adieu Monsieur !
Balsame :Je ne vous réponds plus.
Je meurs sous vos coups et puisse mon trépas vous faire pleurer.
Beaucoup.
Galatée :Passez donc Monsieur. Mes coups ne vous feront pas mourir.
Tout au plus votre vanité malmenée s'en trouvera-t'elle fort blessée...
Balsame :Il me semble chère amie que pour me quitter vous avez bien du mal ...
Galatée :Peut-être autant que vous mon ami...
Balsame :Il est tard Madame. Allez donc reposer.
Je retourne à mon chat et à mes états d'âme.
Galatée :Vraiment ?
Balsame : Vous avez donc encor des mots à jeter ?
Galatée :Non point des mots.
Balsame :Quoi donc alors ?
Galatée :Mais un baiser Monsieur.
Balsame : Lancez donc que je l'attrape au vol.
Galatée :Attrapez-moi plutôt dans vos bras.
Balsame :Oh …
Galatée :Vous ne le souhaitez donc plus ?
Balsame :Ce n'est pas faute de vouloir ... mais ce n'est pas du plus commode.
Vous êtes ma chère perchée sur votre balcon ...
Galatée :Je reconnais Monsieur.
Balsame :Alors comment ? Où ? Quand ?
Galatée :Demain. Sous l'érable ...
Balsame :Et pourquoi donc ce rendez-vous secret ?
Galatée :Mais vous le savez très bien. Je ne puis me montrer au grand jour.
Balsame :Il est vrai que 9h c'est encore la nuit noire ...
Galatée :Mon Dieu ... Vous avez raison. Où donc ai-je la tête ? Ah vous me troublez !
Balsame :Et comment puis-je nommer ce que vous me faites ?
Galatée :Cela je ne saurais dire sans heurter ma pudeur.
Balsame :Il faut maintenant que je vous quitte.
Cette amusette a eu au moins le mérite de faire passer les heures
mais elle m'a broyé le cœur.
*