L'ego tiqueMoi quand j'étais Narcisse
j'vivais au bord de l'eau.
J'regardais mon ego
qui f'sait des ronds bien lisses
sur le miroir de l'onde.
J'étais … oui j'étais beau
le cheveu fin la tête blonde
l'œil coruscant le menton haut
l'nez aquilin la lippe vermeille
y'avait tout ce qu'il faut
pour éclipser l'soleil.
Fichtre la vie t'en a du pot
de m'avoir rencontré !
Moi quand j'étais fontaine
j'allais de source en source.
J'faisais des ronds dans l'eau
des flaques et des ruisseaux
un peu comme ça pour voir
à travers le miroir.
J'étais … j'étais de marbre
j'me planquais sous les arbres
cueillant au vol l'oiseau
qui vit de l'air du temps
et d'une goutte d'eau.
Moi quand j'étais l'ego
j'm'en prenais plein les dents.
Y'avait à tout bout d'champ
Narcisse qui me disait :
ego mon bel ego
qui c'est-y le plus beau ?
Faut dire qu'il insistait
et moi ça m'les brisait
menu. Hé ! y'en a marre
braille pas comme un canard
tu vois donc pas qu'c'est moi
qui ai tiré l'gros lot ?
J'chui l'ego d'un connard
franchement y'a pas photo !
Fontaine ? elle chantonnait
ego démesuré
n'accable pas Narcisse
t'as tout du demeuré
comme deux et trois font six.
Vu d'ici tu ridules,
tu t'étales comme une tarte
dans le flot qui ondule
vaudrait bien mieux qu'tu partes
déjà t'as plus de forme
t'étais l'ego d'un homme ?
t'es vraiment plus aux normes !
Tu r'ssembles à du chewing gum …
Et ça continuait
du soir jusqu'au matin
toujours le même refrain !
Moi maintenant j'déprime.
Narcisse y s'est noyé
à force de s'regarder
dans l'eau de la fontaine
la source souterraine ?
disparue, envolée !
dev'nue un robinet
où y'a rien pour s'mirer.
J'vivote plus qu'à moitié
au coin d'un bénitier
où j'attends. Les grenouilles.